BATTUES d'Antonin Varenne

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Battues d’Antonin Varenne est un roman ambitieux qui propose une lecture sinueuse, des allers-retours dans le temps, une tragédie dévoilée par doses maîtrisées.
Nous sommes à R., une bourgade rurale qui pourrait se situer dans la Creuse (lieu de vie de l’auteur). Je l’imagine bien peuplée de ses 5000 habitants, galérant pour retenir une jeunesse qui rêve d’ailleurs, je vois ses commerces qui vivotent, je vois son café où les travailleurs vont s’en jeter un dernier derrière la gorge après une journée de taf. De la difficulté de maintenir une économie viable pour sa population. L’usine Techbois qui nourrit son monde. On se connait tous à R. On est là depuis des générations. Et il y a de grandes familles terriennes à R. La terre. Vitale comme l’air que l’on respire. La terre, plus qu’un enjeu, une histoire de vies. En obtenir toujours plus. Conflits, pression, menaces. Des luttes intergénérationnelles. Puissance des uns au détriment des autres. Qui c’est les autres ? Il reste Rémi. Il reste Michèle. Des vies sacrifiées pour la Terre.
Rémi, la quarantaine, défiguré suite à un accident lourd de signification, Rémi s’est isolé, installé à la Terre Noire, dernier vestige terrien du bien familial finalement cédé à deux grandes familles, les Messenet et les Courbier. Et Michèle Messenet, partie huit ans plus tôt, Michèle qui a fui ses démons, revient à R.
Rancœur, tension palpable, tension extrême. Trop. La digue va céder.

Vingt ans après l’accident,
neuf jours après la découverte du premier cadavre,
douze heures après la fusillade.

Ainsi est ouvert le premier chapitre, ainsi sont donnés les événements que l’auteur mettra en place pièce après pièce dans une narration découpée et maîtrisée. Chacun des personnages croisés aura son rôle à tenir, du chef de gendarmerie Vanberten, ici pour démêler les fils noués de mensonges et de désirs de vengeances étouffés, jusqu’à Nino et Tonio Valentine, les manouches, acteurs volontaires pour le folklore.

La nature, c’était une idée différente pour un fils de paysan comme lui. Les paysans savent à quelle vitesse leur trace s’efface. La terre est un outil de travail qui donne tant qu’on a la force de le faire. Il reconnaissait que les dégâts mécaniques risquaient de pourrir la vie, mais la nature, avait toujours pensé Rémi, n’avait pas besoin qu’on la défende. Elle nous boufferait tout cru si on lui tournait le dos quelque temps.

Une histoire qui combine écorchés vifs et ambitions gangrenées. Une belle réussite de genre pour Antonin Varenne dans cette collection Territori qui cumule de beaux spécimens. Je ne saurais trop te conseiller de découvrir Battues.

Editions Écorces (2015)
278 pages


L’AUTEUR

Antonin Varenne vit dans la Creuse et consacre désormais son temps à l’écriture.
Après Fakir en 2009, Antonin Varenne remporte les prix Quais du polar-20 minutes 2012 et le 8e Prix Jean Amila/Meckert 2012 pour Le mur, le Kabyle et le marin.
Trois mille chevaux-vapeur est lauréat du prix littéraire de l'Archipel, "récits de l'ailleurs", Saint-Pierre et Miquelon, 2015.

 

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